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Presse
Le Verbe fou, nom bienheureux pour ce théâtre
sis dans une ancienne imprimerie, biotope où
le spectacle vivant s’acclimate très bien
et les mots croissent sans tuteur. Que ceux qui cherchent
un microclimat où la création est préservée
et les mots respectés s'y rendent.
Un spectacle, Marie 23,
inspiré du livre la Possibilité d'une
île, de Michel Houellebecq, interroge la
« néo-humanité ».
Loin d'être une vision futuriste, le travail de
la jeune actrice néerlandaise Helena Moloek et
du réalisateur vidéo Matthias Oostrik
est une mise en garde contre une uniformisation. Laquelle
menace non seulement l'espace culturel, mais guette
aussi l'espace social dans son ensemble. Le monde, croyant
faciliter la communication en multipliant les réseaux
et espaces de communication virtuelle, bannit en fait
la différence. Plus de toi, plus de moi, altérité
niée, échange impossible, voilà
ce que semble nous dire ce court spectacle. L'actrice, parquée entre une mer
de plastique blanc et un ciel de pixels sans horizon,
toute de gris vêtue, chignon tiré et traits
figés, sourire béat et voix mécanique,
est Marie 23, déclinaison de Marie 1,
prototype obsolète des années 1990. La
scénographie fort dépouillée met
en perspective chacun des gestes de Marie 23 et
de ses clones : sur l'écran blanc tendu
derrière elle, simultanément son double,
son ombre mais aussi son triple, projection virtuelle.
Face à elle, en surimposition sur l'écran,
Daniel 24, son cyber-correspondant. Il disparaît
si on l'effleure, ne serait-ce que par son ombre. Ce dispositif montre la violence de ces êtres
sans nom, de ce monde sans chair, de ces mouvements
sans chaleur. Le rapport amoureux devient mécanique
biologique, l'érotisme pornographie, la séduction
simple impératif verbal. Marie 23 :
« Je suis seule comme une conne avec mon
con. » Daniel 24 lui répond froidement :
« Montre-moi ton con. » « Connection
lost. » Échange impossible. C'est là un court et efficace
spectacle, violent mais rassurant. Rassurant, car si
Marie 23 est une contre-utopie, c'est
aussi et surtout un cri d'amour plein d'émotion
porté par une artiste talentueuse et touchante,
convaincue qu'un autre monde est possible. Un plaidoyer
vibrant pour l'humanité. ¶
Cédric Enjalbert
Les Trois Coups www.lestroiscoups.com
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