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Théâtre Littéraire Bruxelles

 

 

 

Presse

Rue du théâtreDimanche 13 juillet 2008
Une passion (Avignon OFF)

ÉLOGE DE LA CHAIR ET DE L’ESPRIT

Comme l’histoire légendaire de Tristan et Yseut, celle bien réelle d’Héloïse et Abélard est une image mythique très occidentale de l’amour passion.  Christiane Singer lui a consacré un roman. La comédienne Carmela Locantore en a tiré une convaincante adaptation scénique.

La salle intimiste du Verbe fou se prête aisément à un tête à tête entre le public actuel et l’Héloïse du XIIe siècle, dame d’exception, annonciatrice des femmes instruites, cultivées, ouvertes au monde de l’esprit, indépendantes, assumant leur sexualité et leur sensualité. Elle se présente libérée, en dépit de la morale judéo-chrétienne rigide imposée à l’époque. Elle choisit d’aimer un homme plus âgé et de se laisser aimer par lui. Elle assume la plénitude des relations physiques et la maternité clandestine. Elle se nourrit de philosophie, de sciences et d’art puisqu’elle écrit, chante et peint. Elle brave l’autoritarisme ecclésiastique. Elle subit la séparation, la claustration monacale, la castration infligée à son amant entre-temps devenu mari.

Carmela Locantore s’incarne en ce personnage. Elle narre le côté plénier de l’amour partagé, celui qui se lit dans le comportement même du couple en train de le vivre, d’explorer ce qui a fait basculer son existence. Elle explique en quoi le corps qu’on habite s’atteste par la tendresse et les sens. Bien que présenté comme une sorte de fatalité voulue par Dieu, l’amour vécu par cette assoiffée d’exister ne se cantonne pas dans un mysticisme de béatitude. Il parvient à une complémentarité entre le charnel et le spirituel. Il se cristallise dans la durée, même après une séparation imposée par l’hypocrisie des autorités.

La leçon est qu’on n’arrive vraiment à l’autre que si on s’aime soi-même, si on assume ses désirs personnels avant d’accepter de donner et de recevoir. Alors l’apport du partenaire amoureux amène à changer le regard porté sur le monde. La fusion suscite un sentiment de sécurité, celui d’être bien pour et par l’autre. L’opposition à la logique normative née des pressions du monde engendre une lucidité clairvoyante qu’il faut conserver car l’amour se vit au-delà des lois édictées par les humains.

L’écriture de Singer est sensuelle. Elle épouse les replis des émotions et des sensations. Elle se nourrit de la beauté des choses naturelles ou confectionnées. Elle est ce soulagement d’avoir dit, exprimé, partagé. Ce en quoi Carmela Locantore se trouve à l’aise, comme si, elle aussi, tenait, grâce à la qualité de sa diction et de ses nuances, à faire communier son public à sa propre expérience vitale primordiale.

Michel VOITURIER (Avignon)

Au Verbe fou, 95 rue des Infirmières, à 10h jusqu’au 2 août. (0490 85 29 90)
Une passion / Texte : Catherine Singer (éd. Albin Michel)/ Adapation, interprétation : Carmela Locantore
Mise en scène : Delphine Hertogs, Carmela Locantore / Production : Las Pluma

 

Une passion
La dame du temps jadis …
Héloïse et Abélard ?

Un souvenir scolaire, un mythe, une fable, un conte que l’on fait lire aux élèves en humanité.
C’est le récit, principalement épistolaire des amours malheureux d’un couple du XIIe siècle, pris entre tourmente et volupté dans la rigidité d’un Moyen-Âge dont ils foulent aux pieds les règles et interdits.
Ne pas la connaître n’empêchera nullement de profiter pleinement du spectacle.

Une passion ?
Voilà soixante fois déjà que j’ai vu l’automne…
Dans une cellule moniale, Héloïse parle.
Depuis qu’elle a été cloîtrée, jamais elle n’a posé la plume.
Tourmentée, elle a enduré l’enfermement, ressassé son passé et garde au cœur les stigmates des blessures qui ont échelonné son chemin de ronces et d’épines.
Jeune fille et femme sensuelle, elle était une flamme vive, qui vibrait, par l’esprit, mais aussi par le tourbillon de sensations, de perceptions d’odeurs ou de couleurs auxquels elle était si réceptive.
Elle a subi l’isolement avec rage, rancoeur, hargne et reproches.
L’âge aidant, elle a atteint la sérénité, la capacité de fouiller son passé, de revivre son histoire sans douleur, comme enfin apaisée.

Sur scène
Seule, emmitouflée dans une cape, la digne abbesse du Paraclet, va comme rajeunir, s’illuminer des audaces de la jeunesse, faire à rebours le voyage de la vie, retrouver ses espiègleries d’enfant, sa fraîcheur d’adolescente, sentir à nouveau l’odeur de la cire, des gâteaux, le goût des choses, des découvertes et de l’amour.
Si La passion, fait appel à une héroïne célèbre, peut-être est-ce pour mieux faire comprendre, percevoir l’universalité de la souffrance.
La jeune fille a vécu le renoncement, l’enfermement, le rejet dans une série d’évènements assez inouïs, à une époque lointaine où la femme était plus un objet qu’un être de chair et de sang.
Et c’est là que se trouve, à coup sûr, la force et la portée de ce texte.
Entre les lignes de ce roman historique, un peu extrapolé, derrière l’existence d’une religieuse, d’une amante, d’une épousée, d’une abandonnée, c’est l’universalité d’une passion exclusive et dévastatrice qui se décèle.
Ce récit au je féminin trace et esquisse la Femme avec un grand F. Chacune percevra Héloïse différemment, avec sa propre sensibilité. La voix chaude et rauque de Carmela Locantore raconte et nous livre des pans de vie avec tendresse, puissance, rage, incompréhension.
Au-delà de ce panel complexe de sentiments, c’est nous qui vibrons, sensuelles et exaltées, qui clamons le droit à l’amour, chantons la détresse, parlons de pureté ou spiritualité.

Dans la salle
Pas un bruit, la plus petite toux, le plus infime glissement de pied semblerait iconoclaste, risquerait d’abîmer la bulle qui enserre dans une même étreinte l’actrice et son public.
Une relation se noue, du mot et du regard, tant le texte (tiré du roman éponyme de Christiane Singer et adapté par Carmela Locantore) est prenant. Chaque silence, chaque inflexion de voix a son importance, la moindre virgule est porteuse d’espérances ou de douleurs.
Et si comme le dit Christiane Singer, Dieu n’a que nos mains pour faire sur terre tout ce qu’il y a à faire, nous ne possédons que nos oreilles et notre cœur pour nous laisser séduire et presque sublimer par ce texte ardent, cette ode à l’Amour.

Muriel Hublet
Plaisir d'offrir

 

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